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Sur la Prise en charge à Ad'appro

Réunion parents du 25 septembre 1993

Préambule

Comme chaque année, l’objet de cette réunion marque la volonté d’ouvrir un nouveau débat sur les préoccupations anciennes ou récentes que peuvent rencontrer parents et professionnels au cours de la prise en charge de leur jeune, confié à Ad’appro et de concrétiser l’intérêt d’une étroite collaboration.
Dans l’ensemble, les parents expriment leur satisfaction ; Ad’appro apparaît comme une formule intéressante tant d’un point de vue de l’apprentissage professionnel que de l’acquisition de l’autonomie et des capacités relationnelles.
En ce qui concerne les jeunes nouvellement accueillies, certains parents interrogent l’institution sur le fonctionnement et le sens des actions menées auprès des jeunes.

La construction d’un projet individuel

Il arrive quelquefois que le jeune, confronté à sa nouvelle situation, rencontre quelques problèmes d’adaptation et les parents diront « on ne sait pas trop ce qu’il fait, il ne raconte pas bien » ; d’autres, plus familiarisés avec la prise en charge s’interrogent sur le contenu du mercredi après-midi ; d’autres encore questionnent sur le soutien scolaire. En réponse à ces questions, on pourrait définir le temps de prise en charge en 3 phases :

1. La phase d’observation
C’est un temps essentiel pour « faire connaissance », repérer le comportement, le mode relationnel, les capacités techniques, les motivations, les désirs, les besoins, les difficultés… Il s’agit d’un temps plus ou moins informel où le jeune va pouvoir prendre le temps de s’approprier les lieux, se familiariser avec les personnes et le fonctionnement global de l’institution. C’est un temps qui peut être générateur d’inquiétude, de déstabilisation ou de questionnement que le jeune manifestera plus ou moins, selon sa personnalité et ses capacités d’adaptation à une situation nouvelle.

2. L’élaboration d’un contrat d’aide
Après ce temps d’observation, vient le moment où, à partir des éléments recueillis, on va pouvoir tracer avec le jeune les grandes lignes de l’aide qu’on peut lui apporter dans tous les domaines où il rencontre des difficultés. Ce contrat vise un engagement tripartite où le jeune est partie prenante d’un projet individuel en étroite collaboration avec l’éducateur de référence et la famille. Il est ratifié par le Directeur et servira par la suite comme outil d’évaluation par rapport à l’action effectivement menée.

3. La mise en œuvre du contrat d’aide
C’est à partir de ce contrat que va pouvoir s’élaborer un emploi du temps précis où seront intégrées toutes les options choisies et s’ajustant au plus près des préoccupations du jeune. Cet emploi du temps représente un cadre de référence dont l’éducateur est le garant. Il reflète les différents aspects à travailler avec le jeune, il comporte des temps dirigés et des temps plus souples mais garde en permanence un caractère éducatif.


L’apprentissage de l’autonomie
Les supports concernent tous les actes de la vie quotidienne, les démarches à l’extérieur (recherche de devis, comparaison de prix, courses), le comportement social…
Le but est de mettre le jeune en situation et le mobiliser pour trouver des solutions, prendre des initiatives, « se débrouiller » seul avec des consignes précises. A ce propos, certains parents trouveront qu’eux-mêmes ont parfois trop tendance « à être derrière eux » du fait du handicap ou de la maladie de leur enfant et qu’il faut lutter contre cette tendance : « si on fait tout pour eux, ils n’apprendront jamais rien ». D’autres font le constat d’un changement radical dans la prise d’autonomie depuis la prise en charge et expriment leur approbation.
Cependant, on peut se demander jusqu’où cette autonomie est supportable, les activités libres ou de loisirs sont sujets à une certaine réserve : « liberté oui, mais une liberté surveillée », sur le plan relationnel ; se pose également la question de la mixité et donc de la sexualité.

la mixité, la sexualité
La prise en charge à Ad’appro offre également au jeune la possibilité de créer son propre tissu relationnel ; âgés pour la plupart entre 20 et 28 ans, la vie relationnelle, amoureuse, sexuelle sont également des domaines qu’ils ont à découvrir. Cela peut bousculer le jeune lui-même, les parents, institution d’autant que les 1ères expériences sont souvent sujettes à des débordements ;
Bien que la prise en charge s’arrête après 17h, il arrive que ces débordements soient traités à l’intérieur du cadre institutionnel, surtout s’ils ont une incidence sur le comportement au travail. Le domaine de la relation mixte et de la sexualité fait également partie du mandat éducatif et les situations se gèrent à partir de la relation qui s’est instaurée entre le jeune et l’éducateur de référence. A ce propos, certains parents remarquent que l’information dans ce domaine est encore plus délicate à gérer avec un jeune en difficulté.
Parmi les outils d’information, des visites dans des organismes spécifiques sont organisées avec l’éducateur. Cette formule présente l’avantage d’aborder ces questions par le biais du groupe et donc de faire en sorte que l’individu puisse s’y retrouver tout en veillant à ce que son intimité soit respectée.


Le soutien scolaire

Il peut s’effectuer sous deux formes :
1) A l’intérieur de l’établissement
La scolarité est travaillée au cas par cas compte tenu de la population hétérogène. Il est important de noter que la scolarité reste en lien étroit avec les supports de l’atelier ou de la vie courante : remplir un imprimé, mesurer le bois, compter l’argent.. Ce peut être sous forme de jeu (ex : jeu du baccalauréat, scrabble,…). Cette formule répond aux besoins qu’ont les jeunes de saisir immédiatement l’utilité de ce qu’ils apprennent.

2) En lien avec un organisme
Le soutien scolaire dans des organismes de remise à niveau s’effectue dans le cadre d’un projet d’insertion. Dans tous les cas, la scolarité peut évoquer des situations d’échec parfois douloureuses ; c’est pourquoi avant tout projet de soutien scolaire, il faut s’interroger sur les causes de l’échec (ex : préoccupation, indisponibilité, incapacité, immaturité…). Pour situer la scolarité dans un projet, le soutien répond aux besoins de savoir, de savoir faire, de savoir être.


La notion de travail et la notion d’argent
Certains parents mettent l’accent sur la difficulté qu’ont leur enfant à mesurer la valeur de l’argent ; si certains saisissent le lien entre la notion de travail et la notion d’argent, la reconnaissance de leur statut de travailleur handicapé bénéficiant de l’AAH, les met dans une situation paradoxale où ces deux éléments sont dissociés : cette forme d’assistance peut parfois entraver la motivation au travail et jouer en sens contraire de l’autonomie ; cela peut conduire certains à se réfugier dans la protection et éviter la contrainte du travail.
A cette occasion, les parents remarquent les aberrations dans l’évaluation du taux d’invalidité déterminé par la COTOREP parfois sous évaluée ou surévaluée par rapport à la réalité du handicap

Les différents objectifs d’orientation
Depuis l’ouverture de l’Etablissement, on peut estimer à 22% l’orientation en milieu ordinaire, 65% en CAT et 13% en lieu de vie.
Travailler avec un jeune sur son orientation revient à faire le point sur ses difficultés et ses capacités et lui proposer selon les opportunités un lieu adapté au plus près de ses besoins.
Il peut arriver qu’un jeune potentiellement apte à travailler en milieu ordinaire soit amené à refuser cette orientation ; par peur des risques qu’elle comporte, il choisit la sécurité du CAT.
A l’inverse, il arrive qu’un jeune veuille travailler en milieu ordinaire alors qu’on estime souhaitable qu’il soit orienté en CAT. Dans la plupart des cas, le refus de CAT est souvent lié au refus du handicap. Ce n’est pas tant le CAT qu’il refuse, mais la cohabitation avec d’autres travailleurs handicapés qui renvoie à son propre handicap. Ainsi, tout le travail d’accompagnement consiste à aider le jeune à faire des choix qui tiennent compte de ses compétences (variété des handicaps), de la conjoncture du milieu ordinaire (risque de licenciement, chômage) et du milieu protégé (exigences de plus en plus contraignantes et sélectives, de plus en plus pointues des CAT).
Une direction tout aussi difficile concerne ceux qui, éloignés de la notion de travail productif pourraient trouver leur équilibre dans des lieux de vie, rares malgré l’importance des demandes. Il s’agit d’un lieu où l’on apprend à être dans un environnement adapté à ce qu’ils sont en mesure de vivre.

Conclusion
Ainsi, selon les différentes formes de handicap, on voit comment l’institution peut intervenir dans des domaines variés de la vie du jeune en difficulté et lui apporter l’aide dont il a besoin dans une démarche individualisée.
Ici, l’institution joue comme référence autour de laquelle il peut construire un projet de vie sociale et professionnelle.
Il en est pour preuve la démarche de certains jeunes qui après la fin de leur prise en charge, éprouvent le besoin de revenir pour nous dire leurs difficultés ou nous faire partager leur réussite.