Les départs et arrivées (2002)
I - PRESENTATION DU DIRECTEUR
M. BEAUCHE a une
formation d'infirmier psychiatrique et possède une maîtrise de
sociologie.
Après avoir travaillé dans un foyer d'accompagnement en post-cure
( association Montalier), il a été à l'origine du projet
et de la création du service " passerelle" (association Montalier)
avec mission d'accompagnement de jeunes en difficulté vers l'insertion
par le travail dans le milieu ordinaire à partir de projets très
individualisés, dans le respect de la parole de l'usager et de l'aide
qu'il demande.
A partir d'un constat de nouveaux besoins, M. BEAUCHE a présenté
à l'association Montalier un nouveau projet, Le S.S.O.F.T ( Service de
Soutien Spécialisé d'Orientation à la Formation et au Travail
) afin de créer un outil supplémentaire qui rejoigne l'équipement
existant. Ce projet est actuellement à l'étude au niveau de l'association
Montalier.
Le poste de directeur qu'il occupe à AD'APPRO est son premier emploi
de cadre. Peu d'expérience en gestion mais militant pour le handicap
mental, le choix de ce recrutement par l'association Innovation marque sa volonté
de donner la priorité à l'expérience du terrain.
En effet, dans son parcours, M. BEAUCHE a toujours été très
attaché à faire reconnaître le handicap mental qui , au
regard du grand public comme des décideurs représente le parents
pauvre du handicap en général ( cf. handicap moteur, handicap
sensoriel , myopathie , etc..)
Le changement de direction amène M. BEAUCHE à prendre les choses
en marche mais les acteurs sur le terrain ( équipe éducative)
restent les mêmes et M. BEAUCHE s'engage en confiance à garantir
la continuité des actions menées jusque là, voire de les
élargir en créant de nouveaux outils.
II LA REACTION AU CHANGEMENT
Voir partir quelqu'un,
dira un père, suscite toujours de l'angoisse et ceci est vrai dans tous
les endroits, cependant, avoir un œil neuf, arriver avec des idées
nouvelles est toujours source de richesse : "je fais confiance au choix
de l'association et à une équipe qui tourne bien".
" mon fils n'a pas montré de déception" dira une mère,
il m'a simplement dit " il s'en va, y'a un nouveau, je ne sais pas d'où
il vient" mais le changement ne semble pas avoir provoqué de perturbation
chez lui. " même si la maison roule bien", ajoute cette mère,
"cela permet de faire le point ; le changement confronte à une nouvelle
personnalité et provoque la tentation de comparer, mais quand on est
nouveau quelque part on apporte toujours quelque chose".
L'ensemble des parents n'exprime donc pas d'inquiétude particulière
au sujet de changement.
Par contre, ils expriment largement leurs préoccupations quant à
la place accordée au handicap mental dans notre société
et l'insuffisance inacceptable des équipements existants.
III REFLEXION SUR LE HANDICAP MENTAL
M. BEAUCHE part d'un constat : "l'égalité des chances n'existe pas au niveau du handicap mental". Il est impératif que les parents et les professionnels se battent ensemble pour mettre le discours des politiques en adéquation avec leurs actes, en se positionnant, non pas comme demandeurs, mais en exigeant de les mettre en face de leurs responsabilités.
Les parents s'accordent
à dire que l'attitude du grand public est honteuse ; seule la pitié
s'exprime et les parents eux même se trouvent marginalisés, du
fait du handicap mental de leur enfant.
" il ne suffit pas de dire, "les pauvres", il faut que les mentalités
changent au niveau des décideurs", dira un père. "nous
n'avons pas besoin de pitié confirmera une mère mais des moyens".
" le handicap mental ne dérange pas, la paix publique est sauve"
fait remarquer une autre mère : lorsqu'il s'agit de traiter la délinquance
ou la violence, là, oui on parle d'insertion" ou encore " les
parents, un jour, vont disparaître, nos enfants vont vieillir aussi et
il n'existe rien pour eux " on est très mal loti".
Le constat est clair: la condition du handicap mental en France n'est pas bien
traitée. Bien sûr, comparé à l'Afrique c'est pire,
rien n'existe, mais il faut savoir qu'en France, la répartition des moyens
est très inégale selon les départements : le nord est mieux
équipé comparé à la gironde qui se situe dans le
dernier quart. La Belgique, le Canada sont bien plus avancés que nous.
Les parents déplorent également l'évolution des CAT qui
se détournent progressivement de leur objectif : " les CAT aujourd'hui,
c'est la rentabilité à fond".
Un père imagine une autre forme d'insertion : "ce qui manque, ce
sont des gens pour accompagner nos enfants dans des entreprises, pas forcément
pour travailler mais comme un moyen de reconnaissance.".
Le monde du travail non protégé, fait remarquer M. BEAUCHE, c'est
la rentabilité. Mais on peu très bien ne pas travailler et être
citoyen.
"Mais quel est objectif ? ", précise un père, "ce
n'est pas de les faire travailler à tout prix, ce qui compte, c'est qu'ils
soient équilibrés et heureux ! Le drame, c'est qu'il n'y a pas
assez de structures!
Finalement confirme un mère, il n'existe que deux possibilités
: soit CAT soit foyer occupationnel et l'orientation en foyer occupationnel
apparaît comme un choix par défaut par rapport au travail.
Il est vrai que ce type de structure accueille tout âge et tout handicap
confondu : on peut y entrer à 20 ans et y rester jusqu'à 90 ans
! Ce qui fait défaut, ce n'est pas seulement la quantité de structures
qui sont, de toute évidence, rares, mais aussi la diversité.
IV QUELS MOYENS PEUT-ON SE DONNER ?
Une mère
exprime son découragement : " malgré tous ces constats, on
va revenir à notre réalité ; on dit, mais comment faire
?"
Une autre exprime sa déception : " avec un groupe de parents nous
avons demandé une audience à un Maire. Nous avons été
reçus par quelqu'un qui ne connaissait rien à ce qu'on exposait,
il avait l'air de découvrir. Nous sommes sortis de là écœurés,
ahuris !"
" il est important de militer avec les professionnels" ajoute un père.
Ce sont les élus qui font la politique, mais je ne me vois pas descendre
dans la rue. En tant que parents, il faut se serrer les coudes pour faire bouger
tout ça mais il faut reconnaître qui seulement 15 à 20%
de familles réagissent."
Une mère intervient:" pour avoir une plus grande marge de manœuvre,
il faudrait avoir une diversité de financeurs."
M. BEAUCHE expose son point de vue : la norme n'est qu'un consensus. Avant,
les sourds étaient envoyés en hôpital psychiatrique, maintenant
ils sont intégrés. Et pourtant, ce n'est pas le sourd qui a changé
mais bien la norme. En général, les pathologies font peur quand
on ne les connaît pas ; quand elles sont repérées, ça
rassure. Encore faut-il distinguer la maladie mentale du handicap mental ; en
outre, il n'y a pas un handicap mental mais plusieurs et il est nécessaire
de définir des concepts
"D'ailleurs, on ne devrait pas parler de handicap, mais de déficience"
rajoute un parent.
En effet, poursuit M. BEAUCHE, la pitié c'est l'aliénation, il
faut du don et du contre don.
Globalement, il manque des passerelles pour passer d'un endroit à un
autre.
Un père fait remarquer qu'AD'APPRO est une structure originale et considère
comme une chance que son fils ait pu en bénéficier. "il faudrait
cloner AD'APPRO" rajoute une mère.
M. BEAUCHE propose en premier lieu, un outil de communication pour faire connaître
le handicap. " Editer un livre pour dire " en sollicitant le conseil
général, la chambre de commerce, la chambre des métiers.
On pourrait également faire appel à la régie de quartier
afin de proposer aux usagers des prestations de services vers l'extérieur(
ex chez le particulier ou l'entreprise ) sans entrer en concurrence avec le
droit du travail.
Ce qui paraît également important dans la conception de ce livre,
c'est que parents comme professionnels puissent exprimer ce qu'ils vivent, faire
partager leurs expériences et diffuser ces informations.