L'AVENIR ET LE DEVENIR (12/3/98)
I- INTRODUCTION ET PRESENTATION :
Le thème
de cette deuxième réunion s'inscrit dans la continuité
des rencontres parents/professionnels du 30 octobre 1997, où il apparaissait
alors que la quasi totalité des familles se rejoignait sur l'une de leurs
préoccupations essentielles : la question de l'avenir et du devenir de
leur enfant après Ad'Appro.
Outre la participation de parents ayant actuellement leur fille ou leur fils
dans l'établissement, Ad'Appro a fait le choix de convier à cette
rencontre, des familles dont les enfants ont bénéficié
d'une prise en charge dans l'établissement puis en sont partis pour une
nouvelle orientation.
Cette initiative marque la volonté des professionnels de mieux situer
leur action et de faire partager, grâce aux différents témoignages,
les expériences passées, présentes et les perspectives
d'avenir.
Sur 13 familles
"d'anciens" sollicitées, nous avons pu remercier la présence
de 8 familles dont une accompagnée par l'ex-usager en personne.
Les remerciements s'adressent également aux familles d'usagers actuels,
dont le taux de participation grandissant (18) souligne tout l'intérêt
porté à ces rencontres.
Au total, 26 familles se sont exprimées :
On peut noter,
au regard de l'ensemble des intervenants, une bonne représentativité
des divers problèmes auxquels sont confrontés les parents quant
au devenir de leur enfant handicapé.
Au delà de l'insuffisance des équipements existants, de leur évolution
possible, de la résistance des familles ou du jeune lui-même, il
faut encore choisir en fonction de chaque handicap, une orientation adaptée
vers le milieu ordinaire, les structures de travail protégé ou
les foyers de vie, en externat ou en internat.
Les témoignages sont variés et dépassent largement la question
de l'avenir proprement dit.
II- LES DIFFERENTS THEMES ABORDES :
1/ L'acquisition de l'autonomie :
Qu'il s'agisse
de prises en charge passées ou actuelles, tous les parents s'accordent
à reconnaître avec satisfaction les effets positifs de l'autonomisation
sur le comportement de leur enfant :
- Les déplacements en bus sont de nouveau évoqués; si certains
parents expriment encore leur anxiété à l'abord de cette
expérience nouvelle, d'autres font état de leur victoire sur cette
étape récemment franchie. Une mère parle même de
"miracle" tant le décalage était grand entre ce qu'elle
ne croyait pas pouvoir attendre de son fils, et les capacités qu'il a
réussi à mettre en oeuvre pour dépasser ces limites.
Pour d'autres parents, l'autonomie dans les déplacements ne s'est pas
limitée à l'apprentissage du bus; l'expérience se prolonge
parfois dans l'utilisation du vélo, voire du train selon les nécessités.
- La capacité à être seul est un autre aspect de l'autonomie évoqué par les parents. Un père dira : "pour la première fois, nous sommes partis trois jours en vacances et nous l'avons laissé seul à la maison avec des petites responsabilités; sans l'Ad'Appro, nous ne l'aurions pas fait".
Une autre mère
confirme : "je ne m'occupe plus de son emploi du temps, il vaque à
ses occupations sans que j'intervienne".
- L'affirmation de soi est également évoquée : "avant,
il était passif, maintenant, il donne son avis, s'oppose, se positionne,
il prend de l'aisance, s'épanouit".
2/ L'orientation et le maintien de la dynamique d'évolution :
Ad'Appro est perçue
comme un lieu de transition, non seulement pour les jeunes mais aussi pour les
parents. La structure se préoccupe à la fois de l'évolution
de la vie sociale et de l'engagement dans la vie professionnelle. A l'issue
de la prise en charge, les orientations diffèrent, selon les besoins
et les possibilités de chacun. Pour certains, l'orientation en CAT associée
parfois à une insertion sociale ordinaire ou protégée (foyers
d'hébergements, appartements) est une bonne indication; ceux dont les
capacités d'autonomie n'autorisent pas une insertion professionnelle
sont dirigés vers des Foyers de vie.
Dans tous les cas, c'est l'épanouissement de la personne qui est mis
en avant, que celui-ci se réalise à travers ou en dehors d'un
contexte de travail.
a)- L'orientation en CAT :
Que l'étape
du CAT soit franchie ou en voie de l'être à court ou moyen terme,
les parents ont pu confronter leur préoccupation aux expériences
déjà vécues.
Dans l'ensemble, l'adaptation au CAT s'est faite de façon satisfaisante;
il s'agit d'un nouveau départ et d'une prise en charge à long
terme, ce qui tend à diminuer la pression de la limite d'âge et
de l'échéance.
Cependant, il subsiste toujours une incertitude : quel sera le devenir des CAT,
les dérives de leurs missions au regard de rendements de plus en plus
exigeants?
b)- Le C.A.T. : une logique professionnelle :
Le passage de l'Ad'Appro
vers le CAT marque une différence sensible dans la nature même
de la prise en charge. Les personnes sont engagées dans une logique professionnelle;
de ce fait les familles sont plus en recul; les professionnels traitent avec
la personne directement ce qui fera dire à un père son impression
d'un fil conducteur coupé, d'un passage vers une moindre protection.
Ce même père regrette également l'insuffisance de l'accompagnement
au travail, "il manque une structure autour du CAT pour développer
la motivation et dépasser les difficultés au travail", la
rentabilité prenant le pas sur le suivi social.
Le témoignage d'une mère vient nuancer ce constat; le CAT se préoccupe
de la vie des ouvriers dans leur quotidien et son fils a pu en bénéficier.
En outre, la mesure de curatelle qui a été mise en place lui apparaît
être un point très positif qu'elle conseille à tous les
parents.
Un mère invoque la scolarité réduite; une autre, la fatigue
liée à l'éloignement.
Ces remarques mettent en évidence la nécessité pour les
parents de devoir s'adapter à une autre logique de prise en charge pour
leurs enfants devenus adultes confrontés à une réalité
professionnelle, les contraintes qu'elle implique où tout ne doit pas
venir de l'institution.
3/ L'orientation en foyer de vie :
a)- Le droit à autre chose que le travail :
Une mère dont le fils est intégré en foyer de vie en externat
depuis 3 ans 1/2 mesure le chemin parcouru à Ad'Appro et aussi au foyer
de vie : "c'est un endroit où on les aide à vivre heureux,
à avoir une vie sociale, des relations".
Une autre mère dont la fille est également en foyer en externat
constate qu'elle est adaptée et heureuse; elle évolue lentement
mais à son rythme, fait des choix de vacances avec un groupe de jeunes,
en France ou à l'étranger, va en boîte de nuit, au cinéma
etc...
La question de l'avenir se pose plutôt en terme d'adaptation au jour le
jour : "même si l'évolution est toute petite, on l'accepte
avec joie; c'est un pas de gagné, et si ça n'évolue pas,
tant pis; on a passé un temps à rêver, maintenant on ne
rêve plus et on est heureux".
Une mère dont la fille est en internat complet se remémore le
douloureux arrachement qu'elle avait dû dépasser pour que sa fille
puisse intégrer un foyer : "c'était mon bâton de vieillesse,
mais quand je l'ai vue bien habillée, heureuse d'aller à la neige,
à la piscine, faire du cheval, je ne regrette pas, je suis très
contente de l'avoir fait, c'est sa nouvelle vie".
Deux points cependant restent sensibles : la contrainte économique et
sociale de ce type de structure et la douloureuse nécessité d'envisager
la séparation.
b)-La contrainte
économique et sociale :
Le reversement de la quasi totalité de l'AAH laisse peu de moyens aux
résidents, ce qui va dans le sens contraire de l'autonomie et de la gestion
de ses propres besoins. Cette objection n'est pas partagée par tous :
les besoins d'argent personnel sont moindre dans la mesure où la structure
prend en charge la globalité des besoins.
c)- Le problème
de la séparation :
Que la personne soit déjà en foyer de vie ou qu'il s'agisse d'un
projet à moyen terme, l'ensemble des parents concernés par cette
orientation expriment leur inquiétude. C'est incontestablement, le cap
le plus difficile à franchir : culpabilité, peur de se tromper,
sentiment d'abandon sont autant d'obstacles à dépasser. Pourtant,
c'est quelque fois le jeune lui-même qui réclame l'internat.
Les parents placés dans cette perspective s'interrogent et montrent un
grand besoin d'être rassurés : internat ? externat ?, la cohabitation
avec des personnes de tous âges? La crainte de la régression? Le
maintien d'un milieu stimulant?, telles sont les diverses préoccupations.
La tendance des parents consiste à faire le choix d'une séparation
progressive; s'ils acceptent l'idée de la séparation, ils préfèrent
opter dans l'immédiat pour un externat, la question de l'internat étant
largement différée.
Or, les foyers de vie ne proposent pas tous une prise en charge exclusivement
limitée à l'externat et les parents sont alors confrontés
au choix du tout ou rien.
d)- Le parti
pris d'AD'APPRO :
Sans sous estimer le poids de la responsabilité qui pèse sur ce
choix de vie et l'épreuve indéniable qu'il représente pour
les parents, les professionnels ont le devoir de préparer la personne
à s'engager dans une dynamique de séparation afin de prévenir
la brutalité de l'incontournable rupture de l'accompagnement familial.
C'est aussi faire le choix de dégager pour les personnes comme pour leurs
parents un espace personnel où chacun puisse vivre sa vie et s'épanouir.