Protection/Milieu ordinaire/milieu protégé/Les CAT/Le Conseil d’établissement
Réunion parents du samedi 4 avril 1992
Cette réunion marque le souhait d’ouvrir le dialogue entre parents
et professionnels, de favoriser la rencontre entre les différents partenaires
intervenant auprès du jeune adulte, dans un souci de collaboration.
Elle marque également la volonté d’offrir un cadre où
les parents peuvent mettre en commun leurs préoccupations, échanger
leurs expériences et élargir ainsi le champ d’action et
de réflexion concernant leur enfant en difficulté, ses besoins,
son devenir.
Il s’agit dans un 1er temps de s’interroger sur l’attente
de chaque famille quant au placement à Ad’appro en réponse
aux difficultés de leur enfant.
Ceci soulève la question essentielle du choix d’orientation entre
le milieu ordinaire et le milieu protégé.
Comment chaque parent se positionne par rapport à ce choix :
- La notion de protection
Certains parents constatent
que souvent, le jeune en difficulté a envie de se faire prendre en charge.
Habitué à être protégé, il n’a pas acquis
le « réflexe » de se responsabiliser et a tendance à
se « décharger » sur l’entourage familial pour répondre
à ses besoins.
D’autres parents considèrent que la demande du jeune à être
pris en charge se fonde sur un réel besoin d’être protégé
: démuni pour se défendre face à l’environnement,
peu repéré dans le temps ou dans l’espace, fragiles, timides,
influençables, immatures, il a besoin d’un soutien permanent.
A l’inverse, on trouve chez certains jeunes, une volonté de se
battre, de dépasser leurs difficultés, de « foncer »
quelques fois vers des buts qui peuvent être même au-delà
de leurs capacités bien qu’il soit toujours difficile d’apprécier
avec exactitude sa possibilité d’évolution.
Le désir du jeune de réussir, de correspondre à une image
sociale suscite chez les parents des inquiétudes parfois non fondées,
parfois justifiées.
Ainsi une mère dira à propos de sa fille : « j’ai
peur mais j’ai laissé foncer, et elle a pu avoir son permis de
conduire ».
Une autre dira à propos de son fils : « il ne faut pas se leurrer,
ce n’est pas une personne comme les autres et il faut savoir regarder
les difficultés en face ».
De ces différentes positions, il s’avère que toute la difficulté
est de savoir apprécier jusqu’où on peut protéger
le jeune et jusqu’où on doit le laisser se « débrouiller
tout seul ».
Dans cette perspective, il parait important que le jeune puisse se confronter
à la réalité de ce qu’il demande, soit pour poursuivre
son projet, soit pour y renoncer et faire d’autres choix.
En ce sens, « l’échec » même s’il est douloureusement
vécu par le jeune et son entourage, peut aussi avoir un aspect structurant
et dynamisant ; le rôle des professionnels consiste alors à accompagner
et à cheminer avec le jeune dans ses différentes expériences.
- Milieu-ordinaire / milieu protégé
La prise encharge en milieu
spécialisé présente pour certains parents des avantages
mais aussi des inconvénients.
Le jeune est engagé dans un circuit spécialisé d’où
il est parfois difficile de sortir. Même si l’aide apportée
est nécessaire, il faudrait davantage à chaque étape de
sa vie se placer dans la perspective de réintégrer le circuit
« normal ». La difficulté de « sortir de ce couloir
» creuse parfois un fossé entre l’apprentissage professionnel
et l’apprentissage de la vie sociale. Si tous les jeunes ne sont pas confrontés
à la vie professionnelle, tous sont engagés dans le monde social
ordinaire.
Parvenu à l’âge adulte, le jeune voit les frères et
sœurs mener leur vie propre et ils ont envie d’être autonomes
comme les autres. Tout leur reste alors à découvrir et ils ont
peur. Or si ces jeunes ont plus de difficultés que les autres, il leur
faut au moins autant de temps si ce n’est plus, pour s’intégrer
dans la vie sociale ordinaire. De ce point de vue, la prise en charge spécialisée
n’offre pas suffisamment d’ouvertures et le changement d’orientation
représente une rupture brutale, génératrice d’angoisse.
Ceci soulève la question de la collaboration entre parents et professionnels.
Trop souvent, les parents ne se sentent pas assez conseillés, dirigés,
informés ; ils ont le sentiment d’être seuls ou bien se «
heurtent au bloc professionnel ». Même s’il y a des contacts,
il n’y a pas de réelle collaboration.
Du côté des professionnels, on peut ressentir également
« la barrière des parents ».
Bien que la place des parents dans la prise en charge spécialisée
varie selon les établissements et évolue au fil de l’histoire
de l’éducation spécialisée, il est certain que parents
et professionnels n’ont pas la « même implication affective
», d’où la nécessité de pallier les carences
d’un véritable dialogue entre les différents partenaires
et de s’orienter vers une meilleure concertation.
La pris en charge à Ad’appro, garde ce souci d’envisager
tout projet dans le cadre d’un échange tripartite et d’obtenir
un minimum d’accord et d’adhésion.
Si la volonté d’Ad’appro est d’individualiser au maximum
le projet du jeune, les moyens accordés obligent à prendre en
compte la réalité du groupe. De ce fait, le jeune a donc aussi
l’obligation de s’y soumettre. Il y a des règles collectives.
Un autre aspect de la prise en charge spécialisée suscite des
questions :
? « Nos enfants utilisent-ils
vraiment tout ce qu’ils ont acquis ? »
? « N’y a-t-il pas une sorte d’adaptation de surface ? un
vernis social ? »
Certains parents souhaitent plus de scolarité, d’autres n’en
voient pas l’utilité. Les demandes varient en fonction des différents
handicaps mais aussi du désir de tout parent de voir leur enfant se rapprocher
le plus possible du monde « normal ». Même si les professionnels
ne sont pas à l’abri d’erreurs possibles, ils ont à
tenir compte de la réalité des difficultés du jeune et
de la réalité des modes de prise en charge.
Parents et professionnels ont ensemble à évaluer la meilleure
adéquation entre les besoins du jeune, ses moyens, les moyens de l’Institution
et raisonner en terme de priorité. Par exemple, un jeune peut être
indisponible pour l’apprentissage de la lecture à une certaine
étape de son évolution et pouvoir l’aborder plus tardivement
après avoir acquis une certaine maturité. De même, on peut
être amené à rendre prioritaire un travail sur l’expression
avant d’aborder l’apprentissage gestuel ou la notion d’activité,
voire de travail. Ceci nous éloigne parfois des « modèles
sociaux ordinaires » pour s’adapter au mieux au potentiel évolutif
du jeune.
- Le contexte actuel des CAT
Certains parents ne sont
pas favorables à une insertion en CAT. « C’est la dernière
chose possible que je voudrais qu’il ait ». Ils voient dans le CAT,
une voie de garage. D’autres y soulignent l’inconvénient
du « mélange de population ». D’autres encore déplorent
l’exigence grandissante de la notion de rentabilité qui amène
à sélectionner « les bons niveaux » et à se
séparer des autres. De plus en plus, le jeune en difficulté doit
correspondre au « profil de poste ».
L’image des CAT varie. On voit apparaître de nouvelles formes, des
mouvements innovants. De la structure lourde, on passe à des fonctionnements
plus souples, avec des implantations d’équipes de travail protégé
au sein même de l’entreprise ordinaire.
A l’inverse, un certain nombre de parents font le choix rassurant du CAT,
« mon enfant aura toujours besoin d’être protégé
».
Quelles que soient les positions, il ne faut pas perdre de vue que les jeunes
peuvent faire un certain travail et que c’est la structure mise en place
pour eux qui leur permettra de le faire.
Qu’il s’agisse du milieu ordinaire ou du milieu protégé,
Ad’appro représente pour ces jeunes un tremplin, une attente active
qui les mobilise et les prépare à s’intégrer dans
une vie professionnelle au plus près de leurs capacités et des
exigences.
Dans cette perspective Ad’appro représente pour le jeune, un nouvel
espoir d’insertion, et lui offre un espace où il peut s’exprimer,
échanger, expérimenter et participer activement à la qualité
de sa prise en charge.
? Mise en place d’un
conseil d’établissement
Un projet d’un conseil d’établissement est actuellement à
l’étude ; il sera composé de parents, de jeunes et de représentants
de l’équipe professionnelle. Les jeunes et les parents seront majoritaires
; le Conseil aura un pouvoir consultatif.
L’aboutissement de ce projet est salué par l’ensemble des
partenaires intervenants auprès des jeunes et répond favorablement
au souhait de chacun de maintenir et de développer la concertation.